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La ville de Bordeaux s'apprête à franchir un cap dans sa politique environnementale. À partir de mai 2025, une surtaxe de stationnement ciblant spécifiquement les SUV et véhicules lourds entrera en vigueur. Cette mesure, portée par le maire écologiste Pierre Hurmic, suscite déjà de vives réactions dans la capitale girondine.

Face aux défis climatiques et aux problématiques d'espace urbain, Bordeaux rejoint ainsi d'autres métropoles françaises ayant déjà mis en place des dispositifs similaires. Mais qui sera vraiment concerné par cette nouvelle taxe ? Quels en seront les impacts réels ?

Décryptage d'une mesure qui pourrait transformer le visage automobile de la ville.

La surtaxe bordelaise sur les SUV : modalités et application

À compter du 1er mai 2025, les propriétaires de véhicules lourds devront s'acquitter d'une surtaxe de 30% sur le stationnement en surface dans les rues bordelaises. Cette mesure, votée par le conseil municipal, s'inscrit dans la continuité de la politique environnementale menée par Pierre Hurmic depuis son élection.

La surtaxe ne s'appliquera pas de façon indiscriminée mais selon des critères de poids précis :

  • Pour les véhicules thermiques : au-delà de 1 600 kg
  • Pour les véhicules hybrides et électriques : au-delà de 1 900 kg

Cette distinction tient compte du poids supplémentaire des batteries dans les véhicules électrifiés, évitant ainsi de pénaliser injustement la transition vers des motorisations moins polluantes.

Il est essentiel de mentionner que cette surtaxe ne concernera que le stationnement en surface. Les parkings souterrains et les abonnements professionnels ne seront pas affectés par cette mesure, offrant ainsi des alternatives aux propriétaires de véhicules lourds qui fréquentent régulièrement le centre-ville.

Quels véhicules seront touchés par la surtaxe ?

La mairie de Bordeaux a clairement indiqué que cette mesure vise principalement les gros SUV et les véhicules premium, souvent plus lourds et plus imposants que la moyenne. Parmi les modèles qui dépassent les seuils fixés, on retrouve notamment :

  • Des SUV haut de gamme comme le BMW X5 (environ 2 100 kg)
  • Le Mercedes GLE (plus de 2 000 kg)
  • Certains modèles de Range Rover et Audi Q7
  • Des berlines premium comme certaines Mercedes Classe S

En revanche, la grande majorité des véhicules courants et familiaux ne seront pas concernés par cette surtaxe. Les citadines comme la Renault Clio (moins de 1 200 kg), la Peugeot 208 (environ 1 100 kg) ou même des compactes comme la Volkswagen Golf (environ 1 300 kg) resteront sous le seuil des 1 600 kg.

Même certains SUV compacts comme le Peugeot 2008 ou le Renault Captur, dont le poids reste généralement inférieur à 1 400 kg, échapperont à cette surtaxe. Cette distinction permet de cibler spécifiquement les véhicules les plus lourds sans pénaliser les familles utilisant des véhicules standards.

Les raisons derrière cette décision municipale

La mise en place de cette surtaxe répond à plusieurs objectifs clairement identifiés par la municipalité bordelaise. Ces motivations s'inscrivent dans une vision plus large de transformation urbaine et écologique.

Réduction de l'impact environnemental

Le premier argument avancé par la mairie concerne l'empreinte écologique des véhicules lourds. En effet, ces derniers présentent généralement :

  • Une consommation de carburant plus élevée
  • Des émissions de CO₂ supérieures à la moyenne
  • Une empreinte carbone plus importante lors de leur fabrication

En décourageant l'usage de ces véhicules en centre-ville, la municipalité espère contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'agglomération bordelaise.

 

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Préservation des infrastructures urbaines

Un aspect souvent négligé concerne l'impact du poids des véhicules sur les infrastructures urbaines. Les services techniques de la ville soulignent que les véhicules lourds accélèrent la dégradation :

  • De la chaussée et du revêtement routier
  • Des trottoirs lors des stationnements partiels
  • Du mobilier urbain en cas d'accrochage

Cette usure prématurée engendre des coûts supplémentaires pour la collectivité, que la surtaxe vise en partie à compenser.

Optimisation de l'espace public

Dans une ville historique comme Bordeaux, où l'espace est précieux, l'encombrement généré par les véhicules volumineux pose un réel problème :

  • Difficulté de circulation dans les rues étroites du centre historique
  • Réduction de l'espace disponible pour les piétons et cyclistes
  • Occupation excessive des places de stationnement

La surtaxe vise ainsi à favoriser des véhicules plus compacts, mieux adaptés au tissu urbain bordelais.

Amélioration de la sécurité routière

Enfin, l'aspect sécuritaire constitue un argument de poids dans cette décision. Les études citées par la mairie indiquent que les véhicules massifs présentent plusieurs inconvénients en milieu urbain dense :

  • Visibilité réduite pour les autres usagers, notamment les enfants
  • Gravité accrue des accidents impliquant des piétons ou cyclistes
  • Angles morts plus importants augmentant les risques de collision

En limitant la présence de ces véhicules, la ville espère contribuer à une cohabitation plus sûre entre les différents usagers de la voirie.

Conséquences économiques et sociales de la surtaxe

Au-delà des objectifs environnementaux et urbains, cette mesure aura des répercussions économiques et sociales qu'il convient d'analyser.

Des recettes supplémentaires pour la ville

Selon les projections financières de la municipalité, cette surtaxe devrait générer environ 2 millions d'euros de recettes supplémentaires par an. Ces fonds seront, d'après les déclarations officielles, intégralement réinvestis dans :

  • Le développement des mobilités douces (pistes cyclables, zones piétonnes)
  • L'amélioration des transports en commun
  • La végétalisation des espaces urbains

Cette réaffectation vise à renforcer la cohérence de la mesure avec les objectifs écologiques poursuivis.

Proportion de véhicules concernés

D'après les études préliminaires réalisées par les services municipaux, la surtaxe touchera :

  • Environ 10% des abonnés résidents possédant un macaron de stationnement
  • Approximativement 14% des visiteurs stationnant en voirie

Ces chiffres montrent que la mesure reste ciblée et ne concerne qu'une minorité des automobilistes fréquentant le centre-ville bordelais.

Un débat social et politique

Comme toute mesure restrictive, cette surtaxe a rapidement suscité des réactions contrastées :

  • Les associations écologistes saluent une avancée nécessaire
  • Certains commerçants du centre-ville craignent une baisse de fréquentation
  • Des associations d'automobilistes dénoncent une "écologie punitive"
  • Des critiques émergent sur le manque de concertation préalable

Le débat porte sur l'impact social de la mesure, certains opposants soulignant que seuls les propriétaires les plus aisés pourront continuer à utiliser leurs véhicules lourds en s'acquittant de la surtaxe, créant potentiellement une forme d'inégalité d'accès au centre-ville.

Bordeaux dans le sillage d'autres métropoles françaises

La décision bordelaise s'inscrit dans une tendance nationale, voire internationale, de régulation des véhicules lourds en milieu urbain.

L'exemple parisien

Paris a été précurseur en France avec l'instauration dès 2023 d'une tarification spécifique pour les véhicules lourds. La capitale a opté pour des critères légèrement différents, mais l'esprit de la mesure reste similaire. Les retours d'expérience parisiens ont d'ailleurs servi de base de réflexion pour l'élaboration du dispositif bordelais.

 

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Lyon et Grenoble sur la même voie

D'autres métropoles françaises comme Lyon et Grenoble ont mis en place des dispositifs comparables, avec des variantes locales. À Grenoble, par exemple, la mesure s'accompagne d'un renforcement significatif de l'offre de transports en commun et de mobilités alternatives.

Une tendance internationale

Au-delà des frontières françaises, plusieurs grandes villes européennes ont adopté des stratégies similaires :

  • Londres avec sa "Congestion Charge" plus élevée pour les véhicules lourds
  • Oslo qui limite progressivement l'accès des SUV à certains quartiers
  • Amsterdam qui expérimente des zones à faibles émissions plus restrictives pour les véhicules massifs

Ces expériences internationales montrent que la démarche bordelaise s'inscrit dans un mouvement plus large de repensée de la place de l'automobile en ville.

Des adaptations possibles et des alternatives

Face aux critiques et aux inquiétudes exprimées, la municipalité a d'ores et déjà évoqué plusieurs pistes d'adaptation et d'alternatives.

Pour les résidents possédant déjà un véhicule dépassant les seuils, des mesures transitoires sont envisagées :

  • Une période d'adaptation de six mois avec application progressive de la surtaxe
  • Des tarifs préférentiels dans les parkings souterrains municipaux
  • Un accompagnement vers des solutions de mobilité alternative

La mairie a souligné que cette mesure s'inscrit dans une stratégie plus globale comprenant :

  • Le renforcement du réseau de tramway et de bus
  • L'extension des pistes cyclables sécurisées
  • Le développement de l'autopartage et des véhicules en libre-service
  • L'amélioration des connexions intermodales

Ces alternatives visent à offrir des solutions concrètes aux Bordelais qui seraient incités à changer leurs habitudes de mobilité suite à l'instauration de la surtaxe.

À deux mois de son entrée en vigueur, la surtaxe sur les SUV à Bordeaux cristallise les débats sur la transition écologique urbaine. Entre nécessité environnementale et impact sur le quotidien des habitants, cette mesure marque un tournant dans la politique de mobilité de la ville. Si son efficacité réelle reste à démontrer, elle témoigne d'une volonté claire de transformer progressivement le paysage automobile bordelais. L'enjeu sera désormais d'accompagner ce changement tout en préservant l'attractivité et l'accessibilité d'une métropole en pleine mutation.

Vanessa Lenormand
Publié par
Responsable rédactionnel
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