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La vitesse maximale autorisée sur les routes départementales françaises fait débat depuis plusieurs années. En 2018, le gouvernement avait imposé une limitation à 80 km/h sur l'ensemble du réseau secondaire. Mais depuis, de nombreux départements ont choisi de revenir à 90 km/h.

Où en était-on en fin d'année 2024 ? Quels sont les changements prévus pour 2025 ?

Faisons le point sur cette situation complexe qui divise automobilistes, élus et experts de la sécurité routière.

État des lieux : plus de la moitié des départements repassés à 90 km/h

Fin 2024, la carte de France des limitations de vitesse ressemblait à un patchwork. Sur les 96 départements de France métropolitaine :

  • 52 départements avaient déjà relevé la vitesse maximale à 90 km/h sur tout ou partie de leur réseau routier
  • 40 départements maintenaient la limitation à 80 km/h
  • 4 départements (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) étaient exclus du dispositif car ils ne comportent pas de routes éligibles

Au total, ce sont plus de 54 800 kilomètres de routes qui sont repassés à 90 km/h. Certains départements ont fait le choix d'un retour intégral à 90 km/h, comme :

  • L'Ardèche (3 775 km)
  • L'Allier (5 284 km)
  • Le Puy-de-Dôme (6 940 km)
  • L'Aveyron (6 040 km)
  • La Corrèze (4 700 km)

D'autres ont opté pour un retour partiel, comme la Seine-et-Marne (1 121 km, soit 26% du réseau) ou l'Orne (2 046 km, 35% du réseau).

Les critères pour repasser à 90 km/h

Le retour à 90 km/h n'est pas possible sur n'importe quelle route. La loi d'orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019 a fixé des critères stricts :

  • Tronçons d'au moins 10 km de long
  • Absence d'intersections avec tourne-à-gauche
  • Pas d'arrêts de transport en commun
  • Pas de croisements avec des chemins de randonnée
  • Pas de traversées de hameaux
  • Pas de circulation d'engins agricoles
  • Absence d'obstacles en bord de route

Ces critères expliquent pourquoi certains départements n'ont pu repasser qu'une partie de leur réseau à 90 km/h.

 

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L'Eure, 53e département à repasser à 90 km/h en 2026

Le 30 octobre 2024, Alexandre Rassaërt, président du Conseil départemental de l'Eure, a annoncé son intention de faire repasser l'intégralité du réseau routier départemental à 90 km/h. Cette décision, qui concerne 4 200 kilomètres de routes, devrait être effective début 2026.

Le calendrier prévu est le suivant :

  1. Février 2025 : vote de la mesure en session plénière du Conseil départemental
  2. Printemps 2025 : lancement de 420 études d'accidentalité
  3. Automne 2025 : saisine de la Commission départementale de la Sécurité routière
  4. Début 2026 : changement effectif de la signalisation

Cette annonce fait suite à un constat mitigé sur l'efficacité de la limitation à 80 km/h. En 2024, l'Eure a enregistré 41 morts et plus de 400 blessés sur ses routes, une hausse par rapport à 2023. À titre de comparaison, en 2017, dernière année complète à 90 km/h, le département avait déploré 33 décès.

Les arguments en faveur du retour à 90 km/h

Les partisans du retour à 90 km/h avancent plusieurs arguments :

  • Fluidité du trafic : sur un trajet de 26 km, rouler à 90 km/h au lieu de 80 km/h permet de gagner environ 3 minutes
  • Adhésion des conducteurs : de nombreux automobilistes jugent la limitation à 80 km/h trop contraignante
  • Inefficacité de la mesure : certains départements n'ont pas constaté de baisse significative des accidents depuis le passage à 80 km/h
  • Autres facteurs d'accidents : les élus pointent l'alcool, la drogue, la somnolence et l'usage du téléphone comme causes principales des accidents, plutôt que la vitesse elle-même

Dans l'Eure, une pétition en ligne a été lancée par la majorité départementale pour soutenir le retour aux 90 km/h, montrant un certain soutien populaire à cette mesure.

Les arguments contre le retour à 90 km/h

Les opposants au retour à 90 km/h, notamment les associations de sécurité routière, mettent en avant :

  • Le risque accru d'accidents graves : la vitesse augmente la gravité des chocs en cas d'accident
  • Les recommandations de la Sécurité routière : l'organisme préconise le maintien de la limitation à 80 km/h
  • Le coût du changement : modifier la signalisation représente un investissement important pour les départements

Pauline Jouvenaux, directrice régionale de l'association Prévention routière, s'est ainsi opposée à la décision de l'Eure : "Plus on roule vite, plus le choc est violent en cas d'accident. C'est de la physique pure."

 

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Le coût du changement de signalisation

Le retour à 90 km/h représente un investissement non négligeable pour les départements. Le coût de pose d'un panneau est estimé entre 200 et 250 euros. À titre d'exemple, la Haute-Vienne a évalué à 200 000 euros le coût du changement de signalisation pour seulement 10% de son réseau routier.

Ce coût explique en partie pourquoi certains départements hésitent encore à franchir le pas, malgré une volonté politique de revenir à 90 km/h.

Le rôle de la Ligue de Défense des Conducteurs

La Ligue de Défense des Conducteurs joue un rôle actif dans le débat sur les limitations de vitesse. L'association :

  • Tient à jour une carte des départements ayant rétabli le 90 km/h
  • Encourage les départements encore à 80 km/h à suivre le mouvement
  • Propose un guide juridique pour aider les présidents de département à prendre leur décision

L'association a mis en place un observatoire national pour suivre l'évolution de la situation département par département.

Les départements qui restent à 80 km/h

Malgré la tendance au retour à 90 km/h, 40 départements maintiennent la limitation à 80 km/h sur leur réseau. Certains, comme le Morbihan et le Gard, ont explicitement renoncé à l'augmentation de la vitesse après étude.

D'autres départements ont opté pour des solutions intermédiaires. Le Gers, par exemple, a partiellement rétabli le 90 km/h sur 350 kilomètres de routes jugées adaptées.

L'importance de l'entretien des routes

Au-delà de la question de la vitesse, l'entretien et la modernisation des infrastructures routières jouent un rôle crucial dans la sécurité. En 2023, le département de l'Eure a ainsi investi 15 millions d'euros pour :

  • La création de chicanes
  • L'installation de radars pédagogiques
  • La sécurisation des grands axes

Ces investissements montrent que la sécurité routière ne se résume pas à une question de limitation de vitesse, mais englobe aussi la qualité des infrastructures.

 

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Perspectives pour 2025 et au-delà

Alors que l'année 2025 s'annonce, le débat sur les limitations de vitesse est loin d'être clos. L'exemple de l'Eure montre que de nouveaux départements pourraient encore décider de repasser à 90 km/h dans les mois à venir.

La question reste de savoir si cette tendance va se poursuivre jusqu'à une généralisation du 90 km/h, ou si un équilibre va se trouver entre départements à 80 et 90 km/h. L'évaluation de l'impact de ces changements sur la sécurité routière sera cruciale pour orienter les décisions futures.

Une chose est sûre : la carte des limitations de vitesse en France continuera d'évoluer, reflétant les choix politiques locaux et les spécificités de chaque territoire. Les automobilistes devront rester vigilants et s'informer des règles en vigueur dans chaque département qu'ils traversent.

Vanessa Lenormand
Publié par
Responsable rédactionnel
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