0

Au mois de Juillet 2023, Bruno Millienne, député du groupe Démocrate de la 9e circonscription des Yvelines, a présenté une proposition de loi dans l’objectif de mettre en place une visite médicale pour les conducteurs dès l’âge de 75 ans. Comme le justifie le député, la France fait partie de la minorité européenne à ne pas contrôler la faculté à conduire.

Il propose donc de mettre en place une visite médicale systématique pour tous les conducteurs français âgés de 75 ans et plus. Renouvelable tous les 5 ans, elle aurait pour objectif de donner au médecin le droit de juger des capacités. Il pourrait ainsi :

  • Valider l’autorisation à conduire
  • Interdire partiellement ou totalement la conduite

Elle fait bien sûr écho à l’amendement de l’eurodéputée Karima Delli qui souhaitait rendre obligatoire la visite médicale tous les 15 ans pour le renouvellement du permis de conduire. Cet amendement n’a pas été validé par la Commission Européenne fin février 2024.

M. Millienne étaye sa proposition de loi notamment sur l’exemple de Pauline Déroulède qu’un nonagénaire avait fauché en 2018 après avoir confondu les pédales de son véhicule.

Mais qu’en est-il des séniors sur la route ? Sont-ils réellement aussi dangereux pour les autres et eux-mêmes ?

Les personnes âgées, conduisent-elles encore ?

Selon l’Enquête de Mobilité des Personnes réalisée entre 2018 et 2019, les personnes âgées se déplacent principalement en voiture. En effet, ils sont 64,4% des 65 à 74 ans et 56,5 % des plus de 75 ans à utiliser la voiture pour leurs déplacements effectués entre lundi et vendredi.

En deuxième place vient la marche à pied que 27,3 % des 65 à 74 ans et 37 % des plus de 75 ans privilégient. Les femmes marchent, par ailleurs plus, que les hommes. Entre 65 et 74 ans, elles sont 30,6 % (contre 23,9 % des hommes) et ce chiffre augmente encore avec l’âge. En effet, 2 femmes sur 5 (40,5 %) se déplacent à pied quand elles dépassent les 75 ans.

Les femmes utilisent également moins la voiture que les hommes pour les déplacements du quotidien :

  • 65 à 74 ans : 61 % des femmes contre 67,9 % des hommes
  • 75 ans et plus : 51,5 % des femmes contre 62,3 % des hommes

Toutefois, même si elles se déplacent principalement en voiture, les personnes âgées ne sont pas forcément les conducteurs.

En effet, une étude a montré qu’en 2014, 72 % des personnes de 65 à 74 ans avaient le permis de conduire, mais seulement 49 % d’entre eux conduisaient. Pour les plus de 75 ans, c’est encore moins, ils n’étaient que 29 % à conduire, alors que 47 % avaient le permis de conduire.

Les effets de l’âge sur la conduite

L’âge qui avance impacte néanmoins les capacités physiques et ainsi, la conduite :

  • La vision de nuit se dégrade et un conducteur de plus de 60 ans :
    • a besoin de 5 à 8 fois plus de lumière qu’un conducteur de 20 ans
    • est plus facilement ébloui par les phares des voitures qu’il croise
  • Le champ de vision peut potentiellement se rétrécir à seulement 100° passé 70 ans contre 180° à 50 ans
  • Le délai pour voir nettement des objets plus ou moins éloignés s’allonge, notamment à vitesse élevée
  • L’audition baisse en vieillissant et environ 30 % des plus de 65 ans ont des problèmes d’audition.
  • La souplesse diminue et des douleurs ou raideurs provoquées par l’arthrose, par exemple, rendent la conduite difficile
  • Certains traitements médicamenteux notamment pour le cœur ou les rhumatismes ne sont pas compatibles avec la conduite
  • Le temps de réaction peut également s’allonger avec l’âge

Facteurs responsables des accidents des séniors

Ce déclin des capacités physiques explique également que lorsque les personnes âgées sont présumées responsables d’un accident mortel, le malaise, l’inattention et le non-respect de priorité sont les principales causes. Alors que pour les jeunes de 18 à 34 ans, les premières causes d'accidents mortels sont la vitesse (47 % pour les hommes, 27 % pour les femmes) et l'alcool (35 % pour les hommes, 15 % pour les femmes).

Le malaise est la principale cause chez les hommes de 55 ans (27 %) et plus tandis que chez les femmes de 55 ans et plus, c’est plutôt l’inattention (24 %) :

Conseils pour améliorer les conditions de conduite

Sur son site dédié aux personnes âgées, le Gouvernement donne plusieurs conseils pour continuer à conduire en toute sécurité même à un âge avancé.

Certains de ces conseils sont par ailleurs applicables à tous les conducteurs, quel que soit leur âge :

  • Eviter de conduire quand on est fatigué ou qu’on a mal dormi
  • Ne pas consommer d’alcool ou de stupéfiants avant de prendre le volant
  • S’assurer que les médicaments que l’on prend n’ont pas de contre-indication pour la conduite (pictogramme orange ou rouge)
  • Anticiper ses trajets et prévoir des pauses régulières pour les longs trajets
  • Autant que possible, ne pas emprunter les autoroutes ou des routes inconnues
  • Ne pas conduire pendant les heures de pointe, la nuit ou en cas d’intempéries
  • Faire un stage de remise à niveau
  • Choisir un véhicule adapté ou faire adapter le sien :
    • Privilégier une boite automatique
    • Améliorer son champ de vision avec des grandes surfaces vitrées
    • Choisir des options supplémentaires comme par exemple une caméra de recul 360° qui permet de réduire les angles morts
    • Ne pas hésiter à utiliser des aides à la conduite : aide au stationnement, limitateur ou régulateur de vitesse, alerte de franchissement de ligne, détecteur de fatigue, détection des obstacles, etc.

Si vous avez des difficultés motrices, vous pouvez faire aménager votre véhicule après une visite médicale à la préfecture ou auprès d’un médecin agréé. Le type d’adaptation figurera sur votre permis de conduire.

Voici quelques exemple d’adaptation possibles :

  • Boule au volant
  • Joystick
  • Levier de frein
  • Cercle ou manette d’accélérateur

Conducteurs séniors : les marques préférées et types de véhicules privilégiés

 

Les motorisations privilégiés

L’enquête sur la Mobilité des Personnes de 2018-2019 révèle que les 65 à 74 ans privilégient les voitures diesel (et diesel hybride non-rechargeable) tandis que les plus de 75 ans préfèrent les véhicules essence et assimilés (hybrides et hybrides non-rechargeables).

L'âge des véhicules des séniors

Cette enquête montre également que plus que la moitié des personnes de plus de 65 ans ont des véhicules de plus de 8 ans. Plus d’un tiers d’entre eux ont même des voitures de 12 ans et plus :

Ce résultat de l’enquête pourrait être surprenant en vue des recommandations faites aux personnes âgées quant à l’équipement et l’aménagement des véhicules. Mais il s’explique avec une durée de possession plus longue. En effet, selon AAA Data, les séniors (de plus de 55 ans) possédaient leur véhicule en moyenne depuis 10 ans en 2019 (contre 7 ans en moyenne pour les moins de 55 ans).

Une préférence pour les véhicules neufs

Ils attendaient en général également plus longtemps avant de changer de véhicule (en moyenne 6 ans). Lors de l’achat, ils optaient plus souvent pour des véhicules neufs ou occasions récentes. En 2019, les personnes âgées de plus de 55 ans représentaient 54 % des acheteurs de véhicules neufs. Ainsi, l’âge moyen de l’acheteur d’un véhicule neuf était de 58 ans en 2018.

61 % des véhicules neufs que les séniors ont acheté en 2018 étaient de marque française. Peugeot reste la marque préférée des séniors (19 % des ventes), suivie de Renault (17%) et de Citroën (13%).

Les mêmes marques occupent également le top 3 des véhicules d’occasion, mais dans un ordre légèrement différent :

  • Renault : 23 %
  • Peugeot : 17 %
  • Citroën : 14 %

Les types de véhicules préférés

Toujours selon AAA Data, quasiment deux-tiers des séniors (65%) choisissent alors un véhicule économique de type citadine et non une voiture haut de gamme. 28 % des véhicules achetés sont en boite automatique.

En ce qui concerne le type de carrosserie, la moitié des voitures sont des berlines (50%) et 40 % font partie de la catégorie "Tous Terrains"» pour ne pas dire SUV. La majorité des personnes âgées (73%) payent d’ailleurs l’achat de leur véhicule neuf comptant ou le financent avec un crédit classique.

L’implication des séniors dans les accidents de la route

Nous avons vu que les principales causes des accidents dont sont responsables les personnes âgées sont justement liées au déclin des capacités physiques et cognitives. Mais quel est leur rôle dans les accidents de la route ?

Conducteurs séniors : la part des présumés responsables

Avec l’âge, le pourcentage des conducteurs présumés responsables d’un accident (que ce soit mortel ou corporel) augmente. Ainsi, les conducteurs de plus de 75 ans impliqués dans un accident mortel sont dans 81 % des cas présumés responsables de l’accident. C’est presque autant que la tranche d’âge des 18 à 24 ans (80%).

Toutefois, les plus de 75 ans ne causent que 9 % des accidents mortels, c’est plus de deux fois moins que les 18 à 24 ans (19 %) ! La part des automobilistes âgé de 65 ans et plus change également en fonction de la victime de l’accident.

Ainsi, ils sont présumés responsables de :

  • 18 % des accidents impliquant un piéton (contre 33 % chez les 35-64 ans et 24 % pour les moins de 34 ans)
  • 17 % des accidents avec un cycliste (contre 35 % chez les 35-64 ans et 22 % pour les moins de 34 ans)
  • 13 % des accidents impliquant un usager de trottinettes électriques ou autre EDPm (contre 37 % chez les 35-64 ans et 27 % pour les moins de 34 ans)
  • 9% des accidents avec un motocycliste (contre 31 % chez les 35-64 ans et 28 % pour les moins de 34 ans)
  • 9 % des accidents impliquant un autre automobiliste (contre 29 % chez les 35-64 ans et 48 % pour les moins de 34 ans)

Leur taux de responsabilité présumée est donc moins élevé chez les personnes de plus de 65 ans que pour les automobilistes plus jeune. Par contre, les séniors sont plus fragiles en cas d’accident de la route. Avec l’âge, leurs risques sont plus élevés de décéder des blessures suite à un accident grave que les plus jeune ce qui augmente leur taux de mortalité routière (surtout à 30 jours).

Le taux de mortalité routière des personnes âgées

En 2022, 3267 personnes ont été tuées dans les accidents de la route, 882 d’entre elles avait plus de 65 ans. Les séniors représentaient donc 27 % des victimes tuées alors qu’ils n’étaient que 21 % de la population française en 2022.

Si on rapporte le nombre de tués à la population, les plus de 75 ans ont le deuxième plus gros risque de mourir sur la route (après les 18 à 24 ans). En effet, la moyenne (tous âges confondus) des tués était de 50 par million d’habitants en 2022.  Alors que pour les 75 ans et plus, il était de 74 tués par million d’habitants (101 tués pour les 18-24 ans).

Pour l’année 2023, le nombre de victimes tuées sur la route est estimé à 3170 (l’ONISR publiera les chiffres définitif fin mai 2024). Alors que la mortalité globale est en baisse par rapport à 2022, elle est en hausse chez les personnes de plus de 65 ans. En effet, on estime qu’ils étaient 884 à perdre leur vie dans un accident de la route en 2023 (27,9 %).

C’est d’ailleurs en tant que piétons en agglomération que les personnes âgées courent le plus gros risque d’être victime d’un accident mortel. Le risque est le même pour les cyclistes hors agglomération de 55 à 74 ans et puis les automobilistes de plus de 75 ans hors agglomération.

L’accidentologie des personnes âgées

Les personnes âgées sont sous-représentées parmi les blessés légers. En effet, les plus de 65 ans ne sont que 7,7 % des 216 431 blessés légers estimés pour 2023 (16653 victimes). Leur nombre double quasiment quand il s’agit des blessés graves : elles représentent alors 16,5 %, c’est-à-dire 2607 victimes sur 15847 blessés graves estimés en 2023.

Quelle est la part des conducteurs parmi les séniors victimes d’accident de la route ?

La part des conducteurs victimes change en fonction de la gravité des blessures et du type de véhicule. Ainsi, tous les cyclomotoristes séniors tués sur la route en 2022 étaient tous les conducteurs du véhicule. Il en est de même pour les poids lourds.

Toutefois, leur nombre baisse lorsqu’il s’agit des voitures, les conducteurs âgés représentaient alors :

  • 82,4 % des séniors tués
  • 72,2 % des personnes âgées blessées graves
  • 75 % des séniors blessés légers

Les pays ayant instauré la visite médicale pour les personnes âgées

On peut effectivement se poser des questions quant à l’utilité d’une visite médicale pour les personnes âgées en France compte tenu du (faible) nombre de conducteurs âgés et leur taux de responsabilité dans les accidents de la route.

Pour l’instant, la France, tout comme l’Allemagne et la Pologne sont les seuls pays de l’Union Européenne avec une autorisation de conduite à vie sans contrôle médical. De nombreux pays ont, en effet, déjà instauré une obligation de visite médicale régulière pour valider le droit de conduire des personnes âgées.

Voici quelques exemples d’obligation de visite médicale régulière:

  • Au Pays-Bas à partir de 75 ans et renouvelable tous les 5 ans
  • A partir de 70 ans en Finlande et au Danemark
  • En Espagne et en Grèce dès l’âge de 65 ans

L’Italie impose une visite médicale à chaque renouvellement du permis de conduire à partir de 50 ans, dont les intervalles changent en fonction de l’âge :

  • Entre 50 et 70 ans tous les 5 ans
  • A partir de 70 ans, tous les 3 ans

Au Portugal, c’est un peu semblable, mais l’âge à partir duquel la visite médicale devient obligatoire est encore plus bas. En effet, les Portugais doivent passer leur première visite médicale à 40 ans ! Les prochaines sont fixées à 50 ans, puis à 65 ans et à 75 ans. Ensuite, c’est tous les 2 ans.

En Belgique et en Roumanie, un certificat médical d’aptitude à la conduite est indispensable pour renouveler son permis de conduire (tous les 10 ans) et ce, quelque que soit l’âge du conducteur.

 

Sources :
https://www.aaa-data.fr/
https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/
https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/

Vanessa Lenormand
Publié par
Responsable rédactionnel
COMMENTAIRES
Effectuez vos démarches carte grise ici en moins de 5 minutes !

Commencez ma démarche