Peut-être que vous en avez déjà entendu parlé : la journée mondiale sans voiture. La devise de cette journée (fixée au 22 septembre) "En ville, sans ma voiture !" annonce la couleur. En effet, il s’agit d’interdire ou de restreindre les centres-villes - ou quelques parties - des villes participantes aux voitures et autres véhicules le temps d'une journée.
Depuis 2002, la journée sans voiture fait partie de la semaine européenne de la mobilité qui a lieu chaque année en septembre. En 2024, les dates de la semaine de la mobilité sont du 16 au 22 septembre. Tous les ans, elle s’articule autour d’un thème principal qui, cette année, est "L’espace publique partagé pour une meilleure qualité de vie".
Les deux ont un objectif commun : promouvoir des façons alternatives pour se déplacer. Mais y a-t-il vraiment un intérêt ?
Le secteur des transports : champion des émissions de gaz à effet de serre en France
- Un total de 391,6 millions de tonnes équivalent CO2 d’émission de gaz à effet de serre (GES) en 2022
- 125,6 millions de tonnes pour le secteur des transports à lui seul (32,07 %), dont 121,4 tonnes pour le transport routier
- L’industrie a baissé ses émissions de GES de - 41,4 % en 20 ans
Commençons par analyser les différents émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en France. Le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires en dénombre 6 dans leurs statistiques :
- Transports
- Agriculture
- Industrie manufacturière et construction
- Usage des bâtiments et activités résidentiels et tertiaires
- Industrie de l’énergie
- Traitement centralisé des déchets
Alors que le secteur de l’industrie manufacturière et construction était historiquement le plus gros pollueur, les transports l’ont détrôné depuis 1998. Et tandis que l’industrie a continué à baisser ses émissions de GES (- 41,4 % en 20 ans), elles sont restées plutôt stationnaires dans les transports.
En 20 ans, elles n’ont baissé que de 12 % pour passer de 142,8 millions de tonnes équivalent CO2 en 2002 à 125,6 millions de tonnes en 2022. Le secteur des transports était responsable de 32 % des émissions de gaz à effet de serre française en 2022 !
La voiture : un des principaux pollueurs atmosphériques en France en 2022
- Les voitures particulières émettent 65,9 millions de tonnes de GES en 2022, moins qu’en 1990
- 32,6 millions de tonnes proviennent des poids lourds, en augmentation par rapport à 1990
- Le transport aérien national émet uniquement 3,6 % des GES du secteur des Transport en 2022
On est bien d’accord, les transports englobent non seulement le transport routier (voitures, utilitaires, camions, etc.), mais également le ferroviaire, le maritime et l’aérien. Et figurez-vous, la voiture particulière est - contre toute attente - le plus gros pollueur.
En effet, en 2022, les voitures particulières (de type VP) émettaient 52,5 % des 125,6 millions de tonnes équivalent CO2. Toutefois, leurs émissions de 2022 sont inférieures à celles de 1990 : 65,9 millions de tonnes en 2022 contre 66,6 millions de tonnes en 1990. Sauf qu’en 1990, cela représentait 55,1 % du total des émissions de GES du secteur des transports. Il y a donc une réduction dans la part des voitures.
Viennent ensuite les poids lourds avec une part de 26 % en 2022, suivi des véhicules utilitaires légers (VUL) avec 15,3 %. Les parts du transport maritime national et aérien national sont infimes :
- 2,9 % pour l’aérien national - celui-ci ne comprend uniquement les vols avec décollage et atterrissage en France
- 2,2 % pour le transport maritime national-fluvial
Voici le détail :
Les voitures: le diesel est la motorisation thermique la plus polluante
- Les voitures thermiques (essence et diesel) sont responsables de 56 % des émissions de GES dans le secteur des transports routiers
- Les voitures diesel émettent 43,7 tonnes de GES ce qui représente 36 % d’émissions de GES du transport routier
- Les poids lourds diesel sont à l’origine de 32,4 tonnes d’émissions de GES (27 %), plus que les voitures essence (24,5 tonnes)
Même si leurs émissions sont en baisse depuis 2015, les voitures particulières diesel émettent plus d’un tiers des émissions de GES du transport routier en 2022. En effet, bien que leurs ventes continuent à baisser pour le marché des voitures neuves, le diesel reste en première place des ventes de voitures d’occasion comme le révèlent les chiffres du marché automobile français du premier semestre 2024. Avec les voitures essence, l’ensemble des voitures thermiques est responsable de 56 % des émissions de gaz à effet de serre !
Les poids lourds, bien qu’en deuxième place du podium en 2022, émettaient moins que la moitié des voitures ! Les utilitaires (VUL) ont émis 16 % tandis que les deux-roues n’étaient responsables que de 1 % des émissions de GES.
Sur l’ensemble des émissions de polluants atmosphériques du transport routier, voici le taux d’émissions en détail :
- VP diesel = 36 %
- VP essence = 20 %
- VUL diesel = 14 %
- VUL essence = 2 %
- PL diesel = 27 %
- Deux roues essence = 1 %
Polluants atmosphériques : gaz, métaux lourds et particules fines
- 48 % des émissions de NOx proviennent du secteur des transports
- Les transports émettent environ un tiers du plomb et de l’arsenic
- Le plus gros émetteur de particules fines est le secteur du résidentiel/tertiaire
Des gaz polluants et des particules fines, mais également des métaux lourds sont à l’origine de la pollution de l’air. Un cocktail toxique qui se compose, par exemple, de :
- Dioxyde de Soufre (SO2)
- Monoxyde de carbone (CO)
- Benzène (C6H6)
- Oxydes d’Azote (NOx)
- Particules fines d’une taille inférieure ou égale à 10 micromètres (PM10)
- Particules fines d’une taille inférieure ou égale à 2,5 micromètres (PM2,5)
- Arsenic (As)
- Cadmium (Cd)
- Nickel (Ni)
- Plomb (Pb)
Bien sûr, ces molécules sont naturellement présentes dans la nature, mais l’activité humaine en ajoute dans des quantités astronomiques. Chaque secteur d’activité produit des émissions dites anthropique à des taux différents :
Ainsi, l’industrie est le plus gros émetteur de dioxyde de soufre, de nickel, cadmium, plomb et d’Arsenic. Le secteur du résidentiel et tertiaire est le principal responsable des émissions anthropiques des particules fines, de monoxyde de carbone et de benzène.
Le secteur des transports, quant à lui, est à l’origine de :
- Presque la moitié des émissions d’oxydes d’Azote (48 %)
- Environ un tiers des émissions de Plomb et d’Arsenic
- Un cinquième des émissions de Nickel et Cadmium
Chacune de ces molécules est potentiellement dangereuse notamment pour la santé.
Pollution de l’air : des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé
- 7 % de la mortalité en France (environ 40 000 décès par an) serait attribuable à la pollution de l’air
- La pollution de l’air provoque maladies cardiovasculaire et respiratoire, cancers, diabète, trouble de la fertilité, atteintes au développement neurologique des enfants
- Elle se constitue de polluants primaires issues de gaz d’échappements, d’usure de pneus, freins et voies routières, de technologie de climatisation et d’entretien des abords des routes et de polluants secondaires, résultats des réactions chimiques dans l’atmosphère
Nous savons tous aujourd’hui que la pollution de l’air est en grande partie à l’origine du réchauffement climatique et son accélération. Le grand public commence également à prendre conscience qu’il y a un danger pour la santé. Mais nous connaissons moins les détails de l’impact sur la santé.
On sait aujourd’hui, par exemple, qu’il y a environ 15 à 30 % plus de nouveaux cas d’asthme chez les enfants qui grandissent près des grands axes de circulation. Une étude sur 10 villes européennes et une autre sur l’agglomération de Paris ont relevé cette relation de cause à effet.
D’une manière générale, la pollution de l’air provoque des maladies respiratoires et cardiovasculaires, mais également des cancers, des problèmes de développement neurologique chez l’enfant ou du diabète. Elle augmente également la mortalité. Ainsi, Santé Publique France estime qu’on peut attribuer chaque année environ 40 000 décès aux particules fines PM2,5 (environ 7% de la mortalité en France).
Alors qu’une grande partie des molécules de la pollution de l’air sont émis directement par les véhicules, d’autres comme l’ozone se créent par réaction chimique. L’ozone est un oxydant extrêmement puissant (plus puissant que l’oxygène ou le chlore) qui agressent les cellules vivantes. Il est très nocif pour les poumons, les reins, le cerveau et les yeux.
L’ozone se forme à cause de la réaction chimique du dioxyde d’Azote (NO2) et des hydrocarbures (CnHn) avec l’oxygène (O2) de l’atmosphère. Pour cela, le soleil joue un rôle crucial - ce qui explique les pics d’ozone pendant les périodes de forte chaleur.
Le coût élevé de la pollution de l’air n’est pas négligeable
- 101,3 milliards d’euros de coût annuel pour la santé publique
- Les hospitalisations et soins, les indemnités journalières, l’absentéisme et la perte de productivité coutent au minimum 3 milliards d’euros par an
- 650 000 journées d’arrêt de travail prescrites par an du fait de la mauvaise qualité de l’air
Il est difficile d’estimer exactement le coût économique et social de la pollution de l’air. En effet, elle a des conséquences sanitaires directes comme les maladies ou les décès qu’on peut quantifier. Mais il n’est pas toujours aisé d’associer des coûts. Combien vaut une vie ? Et quel est le prix de la diminution de la qualité de vie ?
La Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a tenté de mettre un prix sur les conséquences directes et indirectes de la pollution atmosphérique en 2015. L’objectif était non seulement de mettre en lumière le coût de la pollution de l’aire, mais également le bénéficie de la lutte contre cette pollution.
Ainsi, la commission a différencié les coûts :
- Sanitaires tangibles, donc quantifiables
Hospitalisations, soins en ville, indemnités journalières, absentéisme, perte de productivité - Sanitaires intangibles
Décès prématurés, douleurs (chroniques), aspects psychologique et perte de bien-être - Non-sanitaires tangibles
Prévention, surveillance, recherche, baisse de rendements agricoles et forestiers, dégradation du bâti, coût des réfections - Non-sanitaires intangibles
Dégradation des écosystème, perte de biodiversité, nuisances psychologiques, olfactives et esthétiques
Tandis que la commission estimait les coûts sanitaires tangibles à au moins 3 milliards d’euros par an, elle quantifiait les coûts sanitaires intangibles annuels à environ 67 à 97 milliards d’euros. Par an, la pollution de l’air coûterait, selon eux, environ 101,3 milliards d’euros au contribuable !
Une nécessité évidente de réduire les émissions de polluants atmosphériques
Maintenant que nous vous avons expliqué les conséquences directes et indirectes de la pollution de l’air, il devient évident qu’il faut faire le nécessaire pour réduire nos émissions de polluants atmosphériques. Quand on tient compte du rôle du transport routier et, plus particulièrement, de la voiture dans la pollution de l’air, un changement dans nos comportements s’impose.
Plusieurs des grandes agglomérations européennes ont déjà mis en place des systèmes de restriction de circulation en ville. En France, de nombreuses villes et agglomérations dépassent les seuils de pollutions fixés par l’OMS et ont dû instauré des zones à faibles émissions (ZFE-m). La vignette Crit’Air est devenue le sésame pour entrer avec sa voiture dans les grandes villes comme Paris, Marseille, Nice, Strasbourg ou Rouen.
La journée sans voiture s’inscrit dans cette lutte contre la pollution. Elle permet non seulement de mesurer directement l’impact environnemental de l’interdiction de circulation, mais elle doit également promouvoir les solutions de mobilité durable et active.
Pour vous donner un exemple concret, lors de la journée sans voiture à Paris en 2021, selon Airparif, on a relevé :
- Une réduction moyenne du taux de concentration de dioxyde d’Azote (NO2) de - 20 %
- Moitié moins de NO2 le long du Boulevard Haussmann (- 50 % par rapport à un dimanche normal)
- Moins de particules fines PM10 dans l’air
Ces baisses sont comparables, selon Airparif, à celles constatées durant le premier confinement de l’épidémie de COVID-19.
Il est donc évident que la journée sans voiture a son importance pour mettre en avant les bienfaits de la réduction du trafic routier. Toutefois, pour des résultats pérennes, une seule journée par an n’est bien évidemment pas suffisante.
Sans restriction généralisée, il est donc de notre devoir à chacun d’optimiser nos trajets en voiture, mais également de réfléchir à nos déplacements. Un grand nombre d’entre eux peuvent - nous en sommes convaincus - se faire à pied ou, pourquoi pas, en vélo. Ces changements d’habitude ainsi que le développement du convoiturage sur les déplacements urbains-périurbains sont des solutions accessibles pour limiter les émissions de GES et améliorer la qualité.