Le malus écologique français change de dimension. À partir du 1er janvier 2026, une mesure inédite va frapper le marché automobile : la rétroactivité du malus pour des millions de véhicules déjà en circulation.
Cette décision marque un tournant dans la politique environnementale française, visant à accélérer la transition vers des véhicules moins polluants. Mais qui sera concerné ? Avec quelles conséquences financières ? Et surtout, comment anticiper cette nouvelle taxe qui s'annonce déjà comme un séisme pour le marché de l'occasion ?
Le malus écologique rétroactif : une révolution fiscale
Jusqu'à présent, le malus écologique ne s'appliquait qu'à la première immatriculation d'un véhicule de tourisme. La nouvelle mesure change complètement la donne en instaurant une taxe rétroactive pour des véhicules déjà en circulation, qui n'ont pas été soumis au malus écologique lors de leur première immatriculation.
Cette réforme s'inscrit dans la continuité des politiques environnementales françaises, mais franchit un cap supplémentaire en pénalisant des choix d'achat effectués plusieurs années auparavant, lorsque les normes et les attentes environnementales étaient différentes.
Quels véhicules seront concernés par le malus rétroactif ?
Le dispositif cible principalement deux catégories de véhicules, selon des critères précis d'immatriculation, d'émissions de CO2 et de poids.
Critères d'immatriculation
Seront concernés par cette nouvelle taxe :
- Les véhicules immatriculés après le 1er janvier 2015
- Les véhicules qui n'ont pas été soumis au malus lors de leur première immatriculation
Cette date butoir de 2015 signifie que les véhicules plus anciens échapperont à cette nouvelle taxation, créant ainsi une distinction nette sur le marché de l'occasion.
Seuils d'émissions et de poids
Deux critères cumulatifs détermineront l'application du malus rétroactif :
- Un taux d'émission de CO2 supérieur ou égal à 131 g/km (seuil de déclenchement du malus écologique en 2015)
- Un poids supérieur à 1 799 kg (seuil de déclenchement du malus au poids en 2022)
Ces seuils ont été fixés pour cibler principalement les véhicules les plus polluants et les plus lourds, correspondant généralement aux SUV, 4x4 et berlines haut de gamme.
Montant et application du malus rétroactif
Le dispositif se décompose en deux volets distincts : un malus basé sur les émissions de CO2 et une taxe au poids pour les véhicules les plus lourds.
Le malus CO2 : barème et exemples
Le malus CO2 rétroactif s'appuiera sur les barèmes en vigueur l'année de première immatriculation du véhicule. Voici quelques exemples pour une immatriculation en Janvier 2026 :
SUV compact | Berline familiale | SUV premium | |
---|---|---|---|
Première immatriculation | Juin 2017 | Mars 2020 | Octobre 2022 |
Taux d’émission CO2 | 141 g/km | 138 g/km | 150 g/km |
Montant du malus initial | 540 € | 50 € | 983 € |
Age du véhicule en mois | 104 mois | 71 mois | 49 mois |
Coefficient de vétusté | 58 % | 43 % | 38 % |
Calcul malus | 540 € - 58 % = 226,80 € | 50 € - 43 % = 25,50 € | 983 € - 38 % = 609,46 € |
Malus applicable | 227 € | 26 € | 609 € |
Pour de nombreux propriétaires, cette nouvelle taxe représentera plusieurs centaines d'euros, voire davantage pour les modèles les plus polluants. Le nouveau propriétaire devra payer l'écotaxe lors du changement de titulaire pour obtenir la carte grise à son nom.
La taxe au poids : qui sera concerné ?
En complément du malus CO2, une taxe au poids s'appliquera aux véhicules avec une première immatriculation après le 1er Janvier 2022. Le taux applicable dépendra du barème en vigueur l'année de mise en circulation de la voiture concernée. Cette mesure vise particulièrement :
- Les grands SUV familiaux
- Les berlines premium et de luxe
- Les crossovers de grande taille
- Les 4x4 et pick-up
Cette double taxation (CO2 et poids) créera un effet cumulatif particulièrement pénalisant pour les propriétaires de gros véhicules émetteurs.
Exemptions et abattements : les allègements prévus
Pour atténuer l'impact de cette mesure, plusieurs dispositifs d'exemption et d'abattement ont été prévus.
Exemption totale pour certains véhicules
Seront totalement exemptés du malus rétroactif :
- Les véhicules de plus de 15 ans
- Les véhicules électriques, sans condition
- Certains véhicules adaptés aux personnes handicapées
Abattements basés sur l'ancienneté
Un système de coefficient de vétusté est mis en place depuis le 1er Mars 2025 selon l'âge du véhicule :
Ancienneté du véhicule (en mois) |
Coefficient forfaitaire de décote (en %) |
De 1 à 3 | 3 |
De 4 à 6 | 6 |
De 7 à 9 | 9 |
De 10 à 12 | 12 |
De 13 à 18 | 16 |
De 19 à 24 | 20 |
De 25 à 36 | 28 |
De 37 à 48 | 33 |
De 49 à 60 | 38 |
De 61 à 72 | 43 |
De 73 à 84 | 48 |
De 85 à 96 | 53 |
De 97 à 108 | 58 |
De 109 à 120 | 64 |
De 121 à 132 | 70 |
De 133 à 144 | 76 |
De 145 à 15 | 82 |
De 157 à 168 | 88 |
De 169 à 180 | 94 |
À partir de 181 | 100 |
Cette dégressivité vise à atténuer l'impact pour les véhicules les plus anciens, reconnaissant ainsi leur dépréciation naturelle.
L'abattement kilométrique : une nouveauté pour 2027
À partir de 2027, un nouveau dispositif d'abattement basé sur le kilométrage sera introduit. Ce système tiendra compte de l'utilisation réelle du véhicule, avec des réductions accordées en fonction de la distance parcourue annuellement.
Cette mesure vise à différencier les véhicules très utilisés (souvent par nécessité) de ceux qui servent occasionnellement, introduisant ainsi une forme d'équité dans le dispositif.
Spécificités pour les véhicules hybrides
Les véhicules hybrides bénéficieront d'un traitement particulier :
- Les hybrides rechargeables récents avec une autonomie électrique en ville supérieure à 50 km pourront bénéficier d'abattements supplémentaires
- Les hybrides simples seront évalués selon leurs émissions réelles de CO2
Cette distinction reconnaît les avantages environnementaux des technologies hybrides, tout en évitant de créer une échappatoire totale au malus.
Impact sur le marché de l'occasion et stratégies d'adaptation
L'annonce de cette mesure a accentué l'inquiétude des automobilistes français et augmenté leur incertitudes concernant d'éventuels projets d'achat. Le marché de l'occasion notamment des SUV pourraient peut-être en profiter en 2025 avant l'entrée en vigueur du malus rétroactif. Toutefois, l'impact se fera sentir dès Janvier 2026 :
Dévaluation des véhicules concernés
Les premiers effets se feront probablement sentir sur les prix de revente :
- Les SUV et 4x4 récents connaîtraient une dépréciation accélérée
- Les berlines haut de gamme essence et diesel verraient leur valeur résiduelle chuter
- Les véhicules juste au-dessus des seuils (110 g/km et 1500 kg) subiraient une décote particulière
Cette tendance devrait s'accentuer à l'approche de 2026, créant potentiellement des opportunités pour certains acheteurs moins sensibles à ces nouvelles taxes.
Conseils pour les futurs acheteurs
Pour ceux qui envisagent l'achat d'un véhicule d'occasion dans les mois à venir, plusieurs précautions s'imposent :
Vérification des émissions de CO2
Il devient essentiel de :
- Consulter systématiquement le certificat d'immatriculation pour connaître les émissions exactes
- Vérifier le poids à vide du véhicule
- Calculer le montant potentiel du malus rétroactif avant tout achat
Importance de l'historique du véhicule
D'autres éléments prennent de l'importance :
- La date exacte de première immatriculation (avant ou après janvier 2015)
- L'historique complet d'entretien pour garantir la conformité aux normes d'émissions
- Les éventuelles modifications techniques qui pourraient affecter les émissions
Ces vérifications deviennent cruciales pour éviter de mauvaises surprises fiscales dans les années à venir.
Les objectifs environnementaux et économiques de la mesure
Au-delà de la suppression d'une niche fiscale, cette réforme poursuit plusieurs objectifs complémentaires.
Accélération du renouvellement du parc automobile
La mesure vise clairement à :
- Accélérer la transition vers des véhicules moins émetteurs
- Réduire la durée de vie des véhicules les plus polluants
- Orienter les consommateurs vers des alternatives plus écologiques
Génération de recettes fiscales supplémentaires
L'aspect budgétaire n'est pas négligeable :
- Les estimations parlent de plusieurs centaines de millions d'euros de recettes annuelles
- Ces fonds devraient théoriquement financer la transition écologique
- Une partie pourrait soutenir les aides à l'achat de véhicules propres
Ce double objectif environnemental et budgétaire explique l'ampleur de la réforme et sa relative acceptation politique malgré les controverses.
L'introduction du malus écologique rétroactif en 2026 marque un tournant dans la fiscalité automobile française. En ciblant les véhicules immatriculés après 2015, dépassant 130g/km de CO2 et pesant plus de 1 799 kg, cette mesure va transformer durablement le marché de l'occasion. Les propriétaires de SUV, berlines premium et 4x4 devront s'adapter à cette nouvelle réalité, tandis que les acheteurs devront redoubler de vigilance. Cette réforme, malgré ses mécanismes d'abattement, constitue un signal fort pour accélérer la transition vers une mobilité moins carbonée. Le compte à rebours est lancé, et 2026 s'annonce comme une année charnière pour des millions d'automobilistes français.