Le prix du cheval fiscal a bien grimpé en 2025. C'est État qui empoche les recettes ? Pas exactement, car ce sont des recettes pour les régions. Avec des disparités régionales qui se creusent et des hausses parfois spectaculaires, les budgets des régions vont s'en trouver considérablement renforcés. Mais à quel point exactement ?
Entre stratégies fiscales régionales et transition écologique, décryptage des montants que chaque territoire va collecter cette année.
Comprendre le calcul du coût de la carte grise en 2025
Le prix d'une carte grise ne se limite pas à la taxe régionale. Il se compose de plusieurs éléments qui, mis bout à bout, peuvent représenter une somme conséquente :
- La taxe régionale : prix du cheval fiscal multiplié par la puissance du véhicule
- La taxe de gestion : fixée à 11 € en 2025
- La redevance d'acheminement : 2,76 € pour l'envoi du certificat
- Le malus écologique pour les véhicules neufs polluants
Prenons quelques exemples concrets pour mieux comprendre l'impact de ces augmentations :
Exemple 1 : Véhicule neuf de 7 CV en Normandie
En 2024 : 46 € × 7 CV + taxes fixes = 335,76 €
En 2025 : 60 € × 7 CV + taxes fixes = 433,76 €
Soit une augmentation de 98 €
Exemple 2 : Véhicule d'occasion de 5 CV en Bretagne
En 2024 : 55 € × 5 CV + taxes fixes = 288,76 €
En 2025 : 60 € × 5 CV + taxes fixes = 313,76 €
Soit une augmentation de 25 €
Les régions qui vont engranger le plus de recettes en 2025
Avec ces augmentations, certaines régions vont voir leurs recettes liées aux cartes grises augmenter significativement en 2025. Voici un état des lieux des principales bénéficiaires :
La Normandie : le jackpot fiscal
Avec sa hausse spectaculaire de 30,4%, la Normandie devrait voir ses recettes issues des cartes grises grimper de près de 40 millions d'euros en 2025. Cette augmentation s'explique par la volonté de la région de financer des projets d'infrastructures routières et ferroviaires, ainsi que des initiatives en faveur de la mobilité durable.
Pour le conseil régional, cette hausse était "inévitable" après plusieurs années sans augmentation. Les recettes supplémentaires seront notamment allouées à la rénovation de plusieurs axes routiers secondaires et au développement des transports en commun.
La Bretagne : une hausse modérée mais des recettes conséquentes
En Bretagne, l'augmentation de 9,1% du prix du cheval fiscal devrait générer environ 15 millions d'euros supplémentaires dans les caisses régionales. Ces fonds seront principalement dirigés vers des projets de mobilité durable et d'aménagement du territoire.
La région justifie cette hausse par la nécessité de maintenir un niveau d'investissement élevé dans les infrastructures de transport, tout en soutenant la transition écologique.
Le Centre-Val de Loire et le Grand-Est : des hausses stratégiques
Ces deux régions ont opté pour des augmentations de respectivement +9,1% et +25% qui devraient générer des recettes supplémentaires significatives. Le Centre-Val de Loire espère ainsi collecter environ 8 millions d'euros de plus qu'en 2024, tandis que le Grand-Est table sur un surplus d'environ 12 millions d'euros.
Ces fonds supplémentaires seront majoritairement consacrés à des projets de désenclavement des territoires ruraux et au développement de solutions de mobilité alternatives à la voiture individuelle.
L'impact des exonérations et réductions sur les recettes régionales
Si les augmentations du prix du cheval fiscal laissent présager des recettes en hausse pour les régions, il convient de prendre en compte l'effet modérateur des différentes exonérations et réductions en vigueur.
Les véhicules électriques et hybrides : un manque à gagner croissant
Pour l'instant, toutes les régions exonèrent totalement de la taxe régionale l'immatriculation des véhicules électriques et hydrogène. Avec l'augmentation constante des ventes de ces véhicules (près de 25% des immatriculations neuves en 2024), ces exonérations représentent un manque à gagner de plus en plus important pour les régions.
En 2025, on estime que ces exonérations "coûteront" aux régions entre 10% et 15% de leurs recettes potentielles liées aux cartes grises, soit environ 200 millions d'euros au niveau national.
Les véhicules anciens : un impact limité
Certaines régions accordent des réductions pour les véhicules de plus de 10 ans. Bien que ces véhicules représentent une part importante du parc automobile français, leur taux de mutation (changement de propriétaire) est relativement faible, ce qui limite l'impact de ces réductions sur les recettes régionales.
En 2025, ces réductions devraient représenter moins de 5% des recettes potentielles, soit environ 70 millions d'euros au niveau national.
Comparaison des tarifs régionaux : le grand écart
Les disparités entre régions sont considérables et se creusent encore en 2025. Voici un tableau comparatif des prix du cheval fiscal par région :
Région | Prix du CV en 2025 (€) | Évolution 2024-2025 |
---|---|---|
Corse | 43,00 | +59,3% |
Occitanie | 54,50 | 0% |
Normandie | 60,00 | +30,4% |
Nouvelle-Aquitaine | 53,00 | +17,8% |
Grand-Est | 60,00 | +25,0% |
Centre-Val de Loire | 60,00 | +9,1% |
Hauts-de-France | 42,00 | +16,0% |
Auvergne-Rhône-Alpes | 43,00 | 0% |
Île-de-France | 54,95 | 0% |
Pays de la Loire | 51,00 | 0% |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 59,00 | +15,2% |
Bretagne | 60,00 | +9,1% |
Bourgogne-Franche-Comté | 55,00 | 0% |
Les régions Bourgogne-Franche-Comté et Occitanie ont voté l'augmentation de leur prix du cheval fiscal de 5 € à compter du 1er Juillet 2024. La Bourgogne-Franche-Comté passera à 60 € (+9,1 %) tandis que l'Occitanie passera à 59,50 € (+9,2 %).
Le contraste est saisissant entre les Hauts-de-France, région la moins chère avec un tarif de 42 € par cheval fiscal, et la Normandie où le cheval fiscal coûte 60 €, soit presque moitié plus cher !
Ces différences s'expliquent par des choix politiques, des besoins en infrastructures variables et des stratégies fiscales propres à chaque région. Elles peuvent influencer les comportements d'achat, notamment pour les véhicules d'occasion, certains acheteurs n'hésitant pas à immatriculer leur véhicule dans une région voisine moins chère.
Les conséquences économiques et environnementales des hausses de tarifs
L'augmentation du coût des cartes grises a des répercussions qui dépassent le simple cadre budgétaire des régions.
Impact sur le marché automobile
Les professionnels du secteur automobile s'inquiètent de l'effet de ces hausses sur un marché déjà fragilisé. Pour les véhicules neufs à forte puissance fiscale, le surcoût peut atteindre plusieurs centaines d'euros, ce qui risque de freiner certains achats ou d'orienter les consommateurs vers des véhicules moins puissants.
Le marché de l'occasion pourrait être impacté, avec une préférence accrue pour les véhicules à faible puissance fiscale ou bénéficiant d'exonérations (électriques, hydrogène).
Effets sur la transition écologique
Paradoxalement, ces hausses pourraient accélérer la transition vers des véhicules plus propres. En rendant l'acquisition de véhicules thermiques puissants plus onéreuse, les régions incitent indirectement les consommateurs à se tourner vers des alternatives moins polluantes.
Cette évolution est d'ailleurs encouragée par les politiques d'exonération pour les véhicules électriques et hybrides, qui deviennent comparativement plus attractifs à mesure que le prix du cheval fiscal augmente.
Perspectives d'évolution des recettes pour les années à venir
Si 2025 s'annonce comme une année faste pour les recettes régionales liées aux cartes grises, qu'en sera-t-il pour les années suivantes ?
Un pic de recettes en 2025-2026
Les experts s'accordent à dire que les recettes devraient atteindre un pic en 2025-2026, avant d'entamer une décrue progressive. Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs :
- L'électrification croissante du parc automobile, avec des véhicules bénéficiant d'exonérations
- La baisse tendancielle de la puissance fiscale moyenne des véhicules neufs
- L'allongement de la durée de détention des véhicules, qui réduit le nombre de mutations
Vers une refonte du système de taxation ?
Face à cette perspective de baisse des recettes à moyen terme, certaines régions réfléchissent déjà à une refonte du système de taxation des véhicules. Parmi les pistes évoquées :
- Une taxation basée sur le poids du véhicule plutôt que sur sa puissance fiscale
- La réduction progressive des exonérations pour les véhicules électriques
- L'instauration d'une taxe annuelle de circulation, comme dans d'autres pays européens
Ces réflexions n'en sont qu'à leurs débuts, mais elles témoignent de la nécessité pour les régions de repenser leur modèle de financement dans un contexte de transformation profonde de la mobilité.
Recettes prévisionnelles par région : le classement 2025
En combinant les données sur le prix du cheval fiscal, le nombre d'immatriculations prévu en 2025 et la puissance fiscale moyenne des véhicules par région, on peut établir une estimation des recettes que chaque région devrait percevoir cette année :
- Île-de-France : environ 380 millions d'euros
- Auvergne-Rhône-Alpes : environ 320 millions d'euros
- Provence-Alpes-Côte d'Azur : environ 240 millions d'euros
- Nouvelle-Aquitaine : environ 220 millions d'euros
- Occitanie : environ 210 millions d'euros
- Hauts-de-France : environ 200 millions d'euros
- Grand-Est : environ 190 millions d'euros
- Bretagne : environ 160 millions d'euros
- Pays de la Loire : environ 150 millions d'euros
- Normandie : environ 140 millions d'euros
- Bourgogne-Franche-Comté : environ 120 millions d'euros
- Centre-Val de Loire : environ 100 millions d'euros
- Corse : environ 20 millions d'euros
Sans surprise, l'Île-de-France arrive en tête en raison de sa démographie et de son parc automobile important, malgré un tarif du cheval fiscal dans la moyenne nationale. À l'inverse, la Corse ferme la marche avec des recettes limitées, conséquence d'une population plus restreinte et un des tarifs les plus bas de France.
Au total, les recettes liées aux cartes grises devraient atteindre environ 2,45 milliards d'euros en 2025 pour l'ensemble des régions françaises, soit une augmentation de près de 8% par rapport à 2024.
Alors que les régions justifient ces augmentations par des besoins d'investissement dans les infrastructures et la transition écologique, les automobilistes, eux, voient leur budget mobilité s'alourdir. Entre nécessité budgétaire et acceptabilité sociale, l'équilibre reste fragile. Les prochaines élections régionales de 2027 pourraient d'ailleurs faire de cette question un enjeu politique non négligeable, certains candidats n'hésitant pas à promettre des baisses de tarifs pour séduire l'électorat. Une chose est sûre : la carte grise reste un levier fiscal majeur pour les régions, même si son avenir à long terme semble incertain dans un contexte de mobilité en pleine mutation.